Professeur, Histoire du Droit, Univ. Nîmes
L'apport juridique de l'Antiquité à la renaissance médiévale : du droit savant au jus commune (XIIe-XIIIe siècles)
Nota : ce texte a un caractère provisoire et ne saurait être cité ni reproduit sans l'accord préalable de l'auteur.
Résumé
La renaissance du droit romain a donné une matière à travailler aux savants médiévaux qui l'attendaient. Les XIIe-XIIIe siècles ont vu le droit romain récemment « redécouvert » passer du statut de droit savant, droit des savants, à celui de droit utilisé en pratique et même souvent considéré comme jus commune, droit commun à l'Europe.
Comprendre comment le droit romain est passé d'un statut à l'autre ne peut être fait en se limitant à l'approche qu'en ont les professeurs de Bologne ou des autres universités qui voient le jour aux XIIIe et XIVe siècles. Autant et sans doute même plus qu'eux, ce sont les praticiens du droit qui ont été les principaux acteurs de cette évolution.
Une région a été examinée pour tenter de comprendre cette évolution, la région la plus marquée, de ce côté des Alpes, par la présence du droit romain, celle du Bas-Rhône, la Provence rhodanienne et le littoral oriental du Languedoc, de Valence à Marseille et à Béziers.
On y découvre que le droit romain s'y est précocement diffusé par le biais des marchands, mais également celui des étudiants provençaux partis en Italie, mais que sa pénétration fut plus lente. D'abord superficielle, elle s'approfondit au cours de la seconde moitié du XIIe siècle. Au début du XIIIe, le droit romain est ainsi omniprésent dans les actes des principales villes de la région.
Peut-on pour autant considérer qu'il est un droit commun supérieur aux droits municipaux. C'est à nouveau vers la pratique qu'il faut se tourner, celle-ci emploie très peu l'expression jus commune et ne lui donne jamais le sens univoque de droit romain. Le jus commune est plutôt l'ensemble des règles en application dans un lieu donné, règles générales auxquelles peuvent déroger des mesures plus particulières. Le droit romain en fait partie, mais aux côtés des statuts municipaux et des coutumes.
Ainsi, si le droit romain est un droit appliqué en pratique, il s'insère dans l'ensemble des sources juridiques du temps, sans qu'un rapport hiérarchique clair apparaisse. Pour les juristes, en effet, le droit romain est omniprésent, il fournit leur vocabulaire (repris, sans définition, par les statuts, coutumes et actes notariés) et les modèles des techniques qu'ils emploient quotidiennement.
En un siècle, le droit romain a dépassé son statut de droit réservé aux savants pour devenir un droit appliqué en pratique. Il est redevenu un droit vivant, voué à un brillant avenir.