Doctorante, ATER, Histoire du Droit, Univ. Franche-Comté (CRJFC EA n°3225)
Les sources antiques de la Science politique médiévale chez Machiavel
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Résumé
La contribution propose, à partir d'une interprétation scientifique de l'œuvre de Machiavel, de réfléchir sur les influences antiques qui ont pu inspirer cette dernière. Ainsi, la définition de ce que l'on entend par « science du politique » s'avère un préalable central. La contribution montrera que la scientificité du propos machiavélien se situe principalement dans la façon dont il envisage le choix du régime politique. Circonstancié, factuel, variable, le choix du régime politique le plus adapté aux circonstances se découvre comme l'élément central de l'originalité de Machiavel. En ce sens, la question du choix du régime idéal semble particulièrement étrangère aux écrits du Florentin. Alors, la distance entre Machiavel et les auteurs antiques se creuse. Car s'il opère effectivement le choix de la république pour Florence ou pour l'Italie, cette option ne dérive finalement que d'une analyse très concrète et matérielle des situations politiques concernées. Le choix du régime mixte républicain ne dérive pas d'une conception idéale du régime politique. Il ne s'avère que le plus adapté aux circonstances.
Néanmoins, affirmer le caractère scientifique de l'œuvre de Machiavel pose le problème de la possibilité même d'un tel savoir et de son éclosion bien avant la formation de l'esprit scientifique au XVIIe siècle. Alors, l'Antiquité devient un espace à partir duquel il devient fécond de réfléchir. Dans la continuité des réflexions menées par H. Butterfield sur les conditions d'éclosion du savoir scientifique entre 1300 et 1800 (1), la contribution cherche à déterminer quelles ressources les écrits antiques ont mis à la disposition de Machiavel afin qu'il puisse bâtir son savoir. Sans doute ont-ils fourni à Machiavel des outils à la constitution de la science qu'il initie. Les sources antiques ont donc rendu possible l'éclosion d'un savoir scientifique sur le politique. En ce sens, elles apparaissent comme condition essentielle et préalable à toute connaissance scientifique. Encore, en ce qu'elles ont procuré un réservoir de faits analysables, par l'intermédiaire des multiples ouvrages historiques, elles ont aussi constitué l'objet privilégié de cette science.
Alors apparaît une lecture alternative des influences antiques sur la pensée politique de Machiavel. Il ne s'agit plus simplement de déterminer si l'influence a plutôt été grecque ou latine et quelles ont été les idées dont il s'est fait le chantre. Les sources antiques ont surtout aidé à l'éclosion d'une méthode inédite d'appréhension des phénomènes politiques. Si elles ont aussi été porteuses de valeurs, notamment civiques, elles ne le furent qu'au prix de la reformulation de certains de ses concepts (tel que le fameux concept de « virtù ») et de ses modèles (voir notamment les figures de Romulus ou César) au sein des écrits de Machiavel.
1 H. Butterfield (1900-1979), Origins of Modern Science, 1949.